Jacques Kerchache réunis actuellement à la Fondation Cartier, à Paris, apportent un éclairage nouveau sur une religion méconnue. Alors que les fantasmes véhiculés par le cinéma et la littérature s'inspirent essentiellement de la version haïtienne de ce culte, un retour aux sources africaines, le long de l'ancienne Côte des Esclaves, permet de mieux appréhender la richesse et la diversité du vaudou, par-delà les frontières actuelles du Togo, du Bénin ou du Nigéria, et au-delà des différences entre des peuples comme les Fon et les Yoruba. Des statuettes étranges et composites, des artefacts magiques devenus oeuvres d'art.
représentations souvent anthropomorphes qui captent sur elles les maléfices destinés à une famille, un groupe ou un village. Le terme, combinaison de bo qui signifie "maléfice" en fon et de cio, le "cadavre", marque le lien qui unit cette image au pays des morts. Les pièces les plus imposantes sont, à l'origine, plantées devant les maisons ou à l'entrée des villages. Visages stylisés ou grossièrement taillés, bois poli ou écorce apparente, la facture diffère. Même si, comme le remarque Kerchache, une même "physionomie" rapproche toutes ces pièces : "Comment s'étonner de la relation privilégiée qu'il entretient avec la mort lorsqu'on observe cette silhouette fantomatique, filiforme, évanescente, quintessenciée, qui ressemble plus à une âme qu'à un corps ?"
objets rappelle le contexte historique de cette Côte des Esclaves et le rayonnement du vaudou qui en a résulté. Dans le catalogue, l'artiste haïtien Patrick Vilaire revient sur les transformations des rites et des pratiques qui ont accompagné la traversée de l'Atlantique. Arrachés à leur culture pour servir de main-d'oeuvre dans les plantations, les esclaves quittent l'Afrique sans leurs artistes, et cette violence a pour conséquence une quasi-disparition de la statuaire vaudou. Le culte et les pratiques magiques passent par des objets de petite taille, souvent cachés, qui ne se dévoilent que dans l'intimité : "Les 'talismans' et fétiches sont inconnus. Il n'y a guère que les 'gardes', petits sacs de toile renfermant racines, feuilles, médailles des saints protecteurs (saint Jacques ou saint Michel) épinglés sur les vêtements au contact de la peau et les 'paquets', comme objets magiques spécifiques au vaudou haïtien." Les botchios plantés dans le sol, si importants pour Jacques Kerchache, sont réduits à des assemblages de fragments et les représentations divines à des lignes épurées dessinées sur le sol. 
