SMOKEY JOE AND THE KID, c'est avant tout l'association festive de deux artistes, un Bordelais et un Parisien, créant le groupe à l'issue d'une soirée déguisée sur le thème de la prohibition. C'est donc sous le signe des années 1930, des interdits et de la transgression que nait le duo il y a un peu plus de deux ans. Après un EP en mai 2012, mélangeant allégèrement électro, swing et hip hop, SJ&TK vient de sortir son premier album, Nasty Tricks. Rencontre.
LEURS SURNOMS À LA COLORATION "GANGSTER", dont ils se plaisent à entretenir le style tant dans leur musique que dans leur apparence, "Smokey Joe" et "The Kid" les doivent d'un côté à "un personnage imaginaire qui revient on ne sait pourquoi dans certaines chansons de jazz des années 1930, notamment dans des chansons de Cab Calloway ou de Ella Fitzgerald", de l'autre "au nom du deuxième album du projet solo du Kid, sous le nom de Senbeï". Si Smokey Joe a commencé la musique dans les années 1990 comme saxophoniste dans des big-bands de jazz avant de se mettre à la basse puis à l'électro depuis une dizaine d'années, c'est tout jeune que The Kid est initié à la musique. Ce dernier touche un peu à tout, se mouvant du punk au funk en passant par l'électro et la pratique du scratch. Au sein de la scène actuelle française, les deux font penser au groupe nantais C2C, fondé en 1998 à partir des membres du groupe jazz-rap Hocus Pocus, tout autant qu'aux Marseillais de Chinese man, collectif créé en 2004, qui puise ses influences dans le rap mais également, tout comme SJ&TK, dans le funk, le dub ou encore le jazz.
– Mouvement perpétuel
CAR C'EST TOUT UN COURANT de la création musicale française qui puise allègrement dans l'héritage jazz et swing, dénominateur commun de nombreuses productions électro-hip hop aujourd'hui. Cette tendance forte sur la scène actuelle fait renaître chez de nouveaux talents ces sons qui se fondent parfaitement avec les grooves hip-hop, comme "The Dirty Bass" dans "Latch on". Comment ne pas également penser à Parov Stelar, célèbre compositeur autrichien de la scène électro, qui va et vient entre le disco, le jazz, et l'electro swing, mêlant le son des cuivres et la technique du "sample", pour donner à son tour un véritable coup de lifting aux groupes des années 1930.
DÈS LEURS PREMIERS EP, comme dans "Zazou (feat Hype man sage)", Smokey Joe and The Kid se distingue justement par des samples, reprenant en boucle des extraits de musique ou de sons auxquels viennent harmonieusement se greffer les beats hip hop et électro. On reconnaît ainsi dans "Zazou" la trame originale de "Zaz Zuh Zaz" de Cab Calloway, et en particulier le son des cuivres et la voix présente dans ce "scat", morceau de jazz vocal où les onomatopées supplantent les paroles et vocalises traditionnelles. Le travail d’échantillonnage et de boucles musicales, auxquelles se superposent les basses et l’influence hip hop, donne un son fluide, délaissant la musique acoustique au profit de l'électronique. Multipliant les techniques de reprise, le groupe propose avec "Dawn of a new day" un nouvel exemple de réécriture musicale. Les passages au piano et les voix extraites d’anciens morceaux de jazz sont ici soumis à la technique du "turntablism", dont The Kid est passé maître il y a plusieurs années : recréer le morceau en travaillant sur les platines à vinyles. La pratique du sample ne connaît pas de limite, se (re)créant comme un mouvement perpétuel, ouvrant le champ d'une exploration sonore inépuisable.
– Hybride
"ON A TOUS LES DEUX plusieurs projets musicaux, donc diverses façons de travailler et influences. Cela va du jazz au rap, en passant par le métal, les musiques de films, les musiques de manga, tout !" Sans doute vaine entreprise que de vouloir définir en quelques mots les créations des deux "gangsters". Pour le duo, il s'agit surtout d'un syncrétisme stimulant entre "beaucoup de hip hop, du scratch, du sample, des Mc, du jazz, du swing, du blues, et puis quelques ingrédients secrets aussi !" D’ailleurs, ils confient qu'en réalité "ils n'apprécient pas vraiment l'électro-swing", l’essence même de leurs premières compositions : "En fait, au début de notre projet, on s'est fait happer par ce courant, de part notre esthétique et nos déguisements sur scène, mais en vérité, on s'est tapé quelques bides dans des soirées électro-swing parce que c'est très house, et nous, on fait du hip-hop avant tout. Donc on essaie un peu de se détacher de cela…"
INDÉNIABLEMENT, LA PARTICIPATION de nombreuses autres figures du monde du hip hop et du rap vient apporter de nouvelles teintes à l'album et complexifier la classification de Nasty Tricks. Dans ce premier album, "on retrouve des Mc de la nouvelle scène comme Youthstar, qui tournait récemment avec Chinese Man, ou PuppetMastaz. Il y a aussi R-Wan, de Java, ou Lateef The Truhspeaker. On aimerait continuer dans cette direction, travailler avec toujours plus de rappeurs et de chanteurs."
CES INVITATIONS PERMETTENT d'intégrer aux créations des deux complices un savoir-faire et des colorations vocales différentes - notamment avec des artistes féminines comme les Random Recipe dans "Monkey Business". Les Puppetmastaz offrent quant à eux leur vision électrique et groovy du hip hop ; le français R-Wan son rap-musette aux tonalités à la fois poétiques et provocantes ; quant à Lateef the Truthspeaker, Lou Piensa & Waahli, Youthstar, Sugaray… Ils apportent tous un somptueux brassage de rap, bossa nova, rock, jazz ou encore hip-hop, tout en instillant une touche de fraîcheur, d'humour et de spontanéité au disque.
– Futur
IRONIQUEMENT, L'ENREGISTREMENT DE NASTY TRICKS s'est fait dans des conditions plutôt austères, dans "une pièce de 9 mètres carré, avec un ordinateur, une table de mixage, des enceintes, et où on est souvent seul dedans". Ce qui détonne avec le caractère festif du résultat. "Cet album, c'est la symbiose de l'ensemble de nos premiers pas", et c’est une enjambée vers d'autres projets : "Peut-être aller vers un autre style dans le futur, avancer un tout petit peu dans le temps, aller vers le blues, ou bien reculer vers le gospel, ou bien les deux, nous verrons bien."
En tournée :
le 29 juin, Festival Les Arts Osés (Thouars, France)
le 05 juillet, Festival Au Foin de la rue (Saint Denis de Gastines, France)
le 06 juillet, Festival Murmure du Son (Eu, France)
également penser à Parov Stelar, célèbre compositeur autrichien de la scène électro, qui va et vient entre le disco, le jazz, et l'electro swing, mêlant le son des cuivres et la technique du "sample", pour donner à son tour un véritable coup de lifting aux groupes des années 1930.
confient qu'en réalité "ils n'apprécient pas vraiment l'électro-swing", l’essence même de leurs premières compositions : "En fait, au début de notre projet, on s'est fait happer par ce courant, de part notre esthétique et nos déguisements sur scène, mais en vérité, on s'est tapé quelques bides dans des soirées électro-swing parce que c'est très house, et nous, on fait du hip-hop avant tout. Donc on essaie un peu de se détacher de cela…"
vers un autre style dans le futur, avancer un tout petit peu dans le temps, aller vers le blues, ou bien reculer vers le gospel, ou bien les deux, nous verrons bien." 
