L`Intermède

The chicago code, shawn ryan, the shield, jason clarke, jennifer beals, série policière, corruption, master class, festival de deauville, deauville saison 2Secrets & mensonges
Ces dernières années, les programmes de télévision ont été envahis par les séries policières "cop and lab", plus ou moins copiées-collées des Experts, la référence en la matière. Ces séries fondées sur le principe de la répétition d'intrigues relativement stéréotypées permettent un visionnage discontinu et souvent sans surprise, ce qui les rend plus accessibles à un public très large. Mais d'autres schémas sont possibles et la série policière, qui a une longue histoire derrière elle, n'a pas dit là son dernier mot. Shawn Ryan, qui s'était illustré en créant la série coup de poing et politiquement incorrecte The Shield, poursuit son exploration du monde policier avec The Chicago code, une série encore inédite en France et qui a duré une saison. Il en a présenté les deux premiers épisodes lors du dernier Festival de Deauville, accompagné par son acteur principal, Jason Clarke, tout en revenant sur son parcours et ses choix créatifs lors d'une masterclass.

Si Tom Fontana, la veille, avait insisté sur ses références dramaturgiques, Shawn Ryan, lors de sa propre masterclass, ne s'est pas éloigné du monde du théâtre. Pour lui, l'enjeu majeur d'une série télévisée est "d'extirper les secrets des personnages". Dès lors, l'essentiel se joue souvent avec "deux personnes dans une seule pièce". Loin du schéma de l'énigme de la semaine, The Chicago code illustre ce travail sur les personnages et les tensions qui s'engagent dans le dialogue en dépeignant l'univers corrompu et complexe de la ville de Chicago.

Faire de Chicago un personnage
Teresa Colvin (Jennifer Beals) est la première femme à être nommée au poste de surintendante de la police de Chicago. Aidée par son ancien co-équipier, l'inspecteur Jarek Wysocki (Jason Clarke), elle se donne pour mission de faire le ménage et d'essayer de réduire, si ce n'est d'éradiquer, la corruption qui gangrène la ville. Fortement ancrée dans la réalité de la ville de Chicago, que Shawn Ryan connait bien puisqu'il en est originaire, The Chicago code trouve là une de ses originalités, reposant sur l'identité très forte de la ville et sur les spécificités politiques liées à son histoire. A l'instar des images du générique, la série se structure autour de plans d'ensemble de la ville, qui enThe chicago code, shawn ryan, the shield, jason clarke, jennifer beals, série policière, corruption, master class, festival de deauville, deauville saison 2 constitue l'enjeu, et les commentaires en voix-off aparaissant çà et là au gré des épisodes sont toujours destinés à resituer les événements dans l'histoire locale, par des images d'archive, ou à ancrer les personnages dans leur propre rapport intime à Chicago.

La perspective est toujours globale, les enjeux toujours plus élevés qu'on ne pourrait le croire au premier abord. C'est pourquoi les personnages récurrents réprésentent l'ensemble des échelons de la police, des jeunes agents de terrain aux responsables qui agissent à un niveau politique. Par la confrontation de ces différentes échelles se dessinent les dessous des affaires tout en ramenant les hautes instances par un effet retour, aux problèmes concrets qu'affrontent les équipes de terrain. Cette dynamique transversale nourrit dès lors  la dimension feuilletonnante de la série en liant les événements les uns aux autres dans cette lutte contre la corruption qui sévit à tous les niveaux de la ville, en particulier aux plus hauts. The Chicago code retrouve ainsi le plaisir du suspense, des intrigues au long cours mais aussi des rebondissements et de l'action. Poursuites en voiture, attentats à la bombe, tentatives d'assassinat... Les sirènes de police résonnent dans les rues et les hommes en uniformes s'affairent constamment dans l'urgence. Le tout sublimé par une esthétique léchée et un rythme sans faille.

Des flics intègres
Pourtant, ce n'est pas tant sur l'intrigue que repose la série mais sur les personnages et, si les scènes se succèdent presque sans transition, au rythme du claquement des portières de voitures, elles s'enchaînent avant tout avec justesse sur le plan de l'écriture des caractères. De l'aveu de Ryan lui-même, c'est de Joss Whedon et de David Greenwalt, lorsqu'il travaillait dans l'équipe des scénaristes d'Angel, qu'il a appris l'importance des personnages pour une série et applique ce principe à la lettre. Là où précisément les "cop and lab" sont des séries à intrigues - à certaines exceptions près comme Bones - dans les créations de Shawn Ryan, si l'intrigue n'est pas en reste, la The chicago code, shawn ryan, the shield, jason clarke, jennifer beals, série policière, corruption, master class, festival de deauville, deauville saison 2dynamique des saisons se construit essentiellement autour de la personnalité des protagonistes et, surtout, des relations qui se nouent ou se dénouent entre eux. C'est le cas notamment de Terriers, une autre série méconnue de Shawn Ryan, saluée par la critique mais qui n'a pas rencontré son public en raison d'une campagne de marketing chaotique. La personnalité de ses héros farfelus, qui exercent comme détectives privés sans détenir de licence et  qui sont pris dans une affaire qui les dépasse complètement, en est ainsi l'élément-clef.

Or, après le succès de The Shield, élevée au rang de série culte et qui tournait entièrement autour de la personnalité de Vic Mackey, Shawn Ryan se demande aujourd'hui comment renouveler le genre. The Chicago Code se construit dès lors, en un sens, comme un anti-The Shield. A rebours de Mackey et de son équipe de flics corrompus, Jarek Wysocki et Teresa Colvin ne font aucune concession. Mackey assassinait dès le premier épisode, un collègue policier, se plaçant immédiatement au-delà du point de non-retour. Ici, au contraire, les principaux policiers de la série incarnent les valeurs qu'ils défendent. C'est peut-être ce qui a paradoxalement dérouté les téléspectateurs, à l'heure de la mode des personnages controversés comme celui de Dexter Morgan (Dexter, James Manos Jr, créée en 2007).

Mais l'intérêt des héros de The Chicago code réside précisément dans le fait qu'ils sont constamment confrontés à des décisions graves et à des cas de conscience. Wysocki s'illustre ainsi par son mauvais caractère, son intransigeance et sa générosité et incarne cette posture intègre. Jarek, Teresa ou même Liam, agent infiltré dans la mafia irlandaise, rencontrent immanquablement des situations dans lesquelles ils doivent faire des choix et prendre leurs responsabilités, en se mettant parfois en porte-à-faux vis-à-vis de leurs collègues, voire de leurs proches. Parce qu'ils sont entièrement dédiés à leur travail et à leur mission, les éléments de leur vie privée qui sont fournis sont presque toujours liés d'une manière ou d'une autre à leur activité professionnelle, ou en subissent les conséquences.

Secrets et corruption
De l'espace personnel des personnages à l'espace public de Chicago, partout se construisent des rapports de force et des noeuds de tension. Dans ce "média intime" qu'est la télévision, comme le souligne Shawn Ryan, les séries font entrer des personnages fictifs dans la vie des téléspectateurs, semaine après semaine. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que le showrunner mette au rang des enjeux essentiels le thème même du secret, qui trouve en la ville de Chicago un terrain de jeu particulièrement fertile. Alderman Gibbons (Delroy Lindo) représente, au cours de la The chicago code, shawn ryan, the shield, jason clarke, jennifer beals, série policière, corruption, master class, festival de deauville, deauville saison 2saison, l'homme à abattre, celui qui est à la tête d'un réseau complexe de corruption et que les héros de la série tentent de démasquer. Pression psychologique, mensonges, chantage, tous les moyens sont bons pour asseoir son pouvoir et se protéger. Et l'espace même de Chicago devient un champ diplomatique dans lequel l'équilibre des forces suit la loi du plus fort.

Face à ces intrigues sous-terraines, Jarek et Teresa sont obligés de concevoir eux-aussi des plans secrets, de négocier, de jouer sur les apparences pour parvenir à leurs fins. La confiance qui les unit est le seul rempart contre les ennemis qui se dressent devant eux. Des vies sont en jeux, en particulier les leurs. Ainsi, la série joue du contraste entre les événements publics, officiels, où Teresa est contrainte de sourire, de serrer des mains et de côtoyer ceux qu'elle traque, et l'intimité des salles d'interrogatoires, des maisons ou des arrières-boutiques dans lesquelles se jouent les luttes les plus cruciales. Deux personnages dans une pièce donc, et une bataille pour le pouvoir - qui cèdera le premier ? Les séries de Shawn Ryan sont sans pitié et le contenu en est parfois particulièrement dur, mais il n'est pas "le genre de personne qui se perde dans la fiction", dit-il. "Même dans le cas  de scènes traitant d'un contenu difficile, je considère l'écriture comme un exercice intellectuel. iI faut que les scènes fonctionnent, et c'est cela qui rend le travail excitant."

"La série policière, poursuit-il, est un genre inépuisable parce qu'il traite des problèmes les plus humains en exacerbant les émotions, les passions qui peuvent par exemple conduire au meurtre, les envies de pouvoir, la jalousie, etc. Avec Homicide, The Wire ou NYPD Blue, la barre a été placée très haut. C'est dans cette voie qu'il faut travailler à renouveler le genre". Et donc travailler sur l'écriture avant tout, en "se méfiant des premières idées parce que ce sont celles qui viendront tout de suite à l'esprit des téléspectateurs". S'il est peu présent sur les tournages, c'est justement parce qu'il préfère se consacrer à l'écriture avec ses scénaristes pour creuser les situations, les personnages et les dialogues. Et faire ainsi que lorsque deux personnages se retrouvent seuls dans une pièce, les rapports de forces s'inscrivent dans une conversation à multiples niveaux. En particulier lorsque la scène est à Chicago.
 
Claire Cornillon
Le
19/10/11
The chicago code, shawn ryan, the shield, jason clarke, jennifer beals, série policière, corruption, master class, festival de deauville, deauville saison 2
The Chicago code
, une série de Shawn Ryan
Avec Jason Clarke, Jennifer Beals,
13 épisodes de 42 minutes
2011
Inédit en France











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