L`Intermède
Exposition Gustave Eiffel Magicien du fer à l`Hôtel de ville de ParisEiffel : avant la tour, Gustave
A l'occasion des 120 ans du célèbre monument, l'Hôtel de ville de Paris accueille l'exposition Gustave Eiffel, le magicien du fer, et retrace la vie et l'oeuvre de son bâtisseur.

Plus internationalement française encore que le bleu-blanc-rouge, la tour Eiffel. Ce n'est pas Vincente Minelli, ouvrant Un Américain à Paris avec un plan sur le pic de fer, qui dira le contraire. Depuis son inauguration en 1889 pour l'Exposition universelle, la tour est devenue le symbole par excellence de la capitale. Défi technique, petite révolution esthétique – dans le Paris haussmanien en pierre blanche du XIXe siècle, le fer est un matériau vulgaire qui ne sied qu'aux gares et à l'industrie –, elle a acquis ses lettres de noblesse au fil des décennies. Mais ce que les visiteurs de la construction connaissent moins, c'est le parcours de son créateur, Gustave du même nom.

Car s'il reste son érection la plus célèbre, l'édifice du Champ-de-mars n'est pas l'unique création par laquelle Eiffel a fait briller sa technicité. Chaque nouvel "ouvrage d'art", comme les désigne la première partie de l'exposition, n'est pas seulement une prouesse technique pour l'époque : les méthodes de construction sont elles-même innovantes. Le premier chantier d'Eiffel, le pont de Bordeaux long de 500 mètres qu'il réalise à 26 ans, l'oblige à créer des caissons à air comprimé qui permettent de travailler en dessous du niveau de l'eau. Au Portugal, le viaduc de chemin de fer sur le Douro est composé d'un arc de 160 mètres d'ouverture reposant sur les rives... et monté sans échafaudage, tout comme les deux étages supérieurs de sa célèbre tour. Eiffel est moins architecte que scientifique, fasciné par l'aérodynamique et l'aéronautique. Deux domaines de recherches dans lesquels il se plonge d'ailleurs à 61 ans, après le scandale de Panama qui éclabousse sa carrière de constructeur, lui qui construit les écluses du canal et gagne quelque 125 millions de francs alors que la Compagnie du Canal fait faillite.

Mais il est aussi "un chef d'entreprise avisé et extrêmement compétitif", explique Caroline Mathieu, commissaire de l'exposition. Témoin, les photos de ses résidences – un appartement fastueux à Paris, une villa sur la Côte d'Azur et une autre en Suisse –, trophées prouvant la bonne santé de la firme Eiffel. L'exposition regorge de documents, jamais montrés au public pour la plupart, comme autant d'angles pour cerner l'oeuvre gigantesque de cet infatigable tailleur de fer qui ne s'est arrêté qu'à 89 ans. Gustave Eiffel, le magicien du fer souffre de l'espace de la salle Saint-Jean, exigu et peu éclairé, et d'une scénographie relativement hasardeuse, au risque pour le public de perdre le fil, naviguant d'un projet à un autre, d'une époque à une autre, d'Eiffel constructeur à Gustave intime, de la tour comme prouesse technique ou source de variations artistiques, sans que le fil d'une démonstration ne puisse être saisi.

Exposition Gustave Eiffel Magicien du fer à l`Hôtel de ville de ParisSi certains documents d'époque sur le travail d'Eiffel attirent l'oeil, à l'instar de son carnet de commandes de 1867 à 1889 ou de son autobiographie en trois volumes (à la troisième personne !), l'intérêt de l'exposition se situerait, paradoxalement, davantage du côté des créations qui ont pris pour sujet ou objet la tour Eiffel, devenue chantier idéal pour l'inventivité d'autres, qu'ils soient ingénieurs, peintres ou photographes. Ainsi, lors de l'Exposition universelle de 1900, les architectes avaient le loisir de modifier ou détruire ce "grillage infundibuliforme", selon le mot de Huysmans. Et Henri Toussaint d'habiller la Tour d'une espèce de jupe métallique pour en faire un Palais de l'électricité et du génie civil, tandis que Jost Samson la transforme en armature pour un rocher de 300 mètres au sommet duquel dévalent des routes, arbres, villages, et même une cascade qui se jette dans la scène ! Xavier Schoellkopf et Félix-Eugène Boutron, de leur côté, lui donnent une allure Art nouveau, surchagée d'épis et de pinacles, de lanternes et d'écussons. C'est finalement son intérêt pratique et stratégique qui la sauve de la destruction et de ces projets fantaisistes, avec l'installation à son sommet en 1905 de la télégraphie sans fil.

L'exposition est l'occasion également de (re)découvrir les travaux de photographes ou peintres qui ont immortalisé à leur façon la tour du bord de Seine, comme Théophile Féau qui enregistrait tous les quinze jours, depuis le palais du Trocadéro, l'avancement du chantier, et Henri Rivière qui avait suivi l'équipe du Chat noir lors d'une ballade dans les arcanes de l'aiguille en fer avec son objectif, ou avait offert trente-six vues de la tour sur du papier teinté à la forme, sans oublier les célèbres clichés de Riboud, Brassaï et Kertész, et les toiles de Delaunay, Chagall et Dufy. L'exposition veut nous faire découvrir Gustave, mais c'est sa tour qui, encore et toujours, prend le dessus.

Bartholomé Girard
Le 27/07/2009

Exposition Gustave Eiffel Magicien du fer à l`Hôtel de ville de ParisGustave Eiffel, Magicien du fer, jusqu’au 29 août 2009
Tlj sauf dim et fêtes : 10h-19h
Hôtel de Ville,
5, rue Lobau, 75 004 Paris
Entrée libre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Crédits photos et légendes :
Première image : Albert de Cour-Après, "A la grandeur de l'oeuvre, on reconnaît la grandeur de l'homme", couverture du journal Le Central, 1889 (RMN - Musée d'Orsay / Copyright Hervé Lewandowski)
Deuxième image : Jost R. Samson, La Tour Eiffel dans le Mont Samson, 1895 (Archives nationales)
Troisième image : René Clair, Paris qui dort, photographie prise sur le tournage, 1923 (RMN - Musée d'Orsay / Copyright Madeleine Coursaget)