La verge du glandeur
HBO a annoncé une deuxième saison pour la série Hung, plongée dans le quotidien d'un quadragénaire sur le déclin qui mise son come-back sur... la taille de son sexe.
C’est un pénis, et un gros, qui est au cœur de l'affaire. Cette anatomie généreuse est à peu près tout ce qu’il reste à Ray (Thomas Jane), héros de la série
Hung diffusée depuis juin sur l’incontournable HBO (
Six feet under,
Sex & the city,
The Wire...). Dans la vie de ce quadragénaire, tout s’est écroulé : promis à une carrière de sportif dans sa jeunesse, il végète aujourd'hui en professeur de sport et d’histoire, sa femme l’a quitté, un incendie a détruit la maison de ses parents dans laquelle il s’était réfugié avec ses enfants-têtes à claques, il n’a pas l’ombre d’un dollar pour la reconstruire, et est contraint de dormir sous une tente plantée dans son jardin. Encerclé d’échecs, Ray s’auto-administre un bilan de compétences. Et la seule qu’il trouve est d’être "bien monté" ("
Hung"), acclamé par ses ex, qui démentent en chœur la légende qui voudrait que la taille ne compte pas. Pour s’en sortir, l’enseignant père de famille ne voit plus qu’une solution : monnayer ses prouesses sexuelles.
La première force de
Hung, créée par Colette Burson et Dmitry Lipkin, vient de l’inversion, souvent burlesque, des clichés sur le rôle des genres. Si la série se base sur une virilité exacerbée, elle sonne comme une revanche féminine. Dans la vie de Ray, ce sont les femmes qui dominent et exploitent : il y a d’abord Tanya (Jane Adams), poétesse ratée et paumée, aux cheveux en vrac et au visage décomposé, qui va de crises d’angoisse en torrents de larmes. Bloquée dans un travail alimentaire qu’elle déteste, elle s’improvise maquerelle de Ray. Cette mission de "
consultante en bonheur" lui apparaît comme l’ultime chance d’avoir une vie. Face à elle : Lenore, vamp arrogante et manipulatrice, qui tente une OPA sur cette petite entreprise et recommande Ray aux bourgeoises frustrées qu’elle relooke.
L'une d'entre elles est justement l’ex-femme de Ray, interprétée par Anne Heche, femme au foyer bouffie d’ennui et de suffisance, désespérée de voir fondre les revenus de son nouveau mari. Et il y a Darby, beauté froide qui achète nuits et promesses à Ray, pour compenser ses amours bancales et se venger des hommes. Aucune ne s’encombre de scrupules ou de remords. Au fil des épisodes, elles se révèlent exigeantes et complexes, pleines de contradictions et de fragilités, et échappent (presque toujours) aux caricatures. Toutes assument leurs fantasmes, imposent leurs désirs, et disposent d’un Ray à la volonté molle, réduit au statut d’homme objet, de sexe sur pattes à louer. Et il est un des seuls à penser sentiments et à laisser l’amour interférer dans son commerce.
Car c’est avant tout de marchandise qu’il s’agit, et c’est la principale provocation de
Hung. La prostitution est présentée comme un business, une entreprise comme une autre. La seule préoccupation des personnages est de la rendre la plus rentable possible, sans jamais se poser de question morale. Ray repart à zéro et apprend à être un gigolo professionnel et attractif. Tanya analyse les fantasmes féminins comme un marché sur lequel placer son produit et mise tout sur le marketing. Victimes de la peur du déclassement qui hante les classes moyennes, ils n’ont qu’un objectif : gagner de l’argent pour obtenir une place et une forme de reconnaissance.
Hung n’est pas une critique sociale frontale, mais esquisse la faillite des rêves qui portaient les États-Unis. La chute de Ray s’inscrit dans la crise économique, qui s’immisce par touches dans la série. Aux détours des dialogues surgissent les suppressions de budget dans l’éducation, les désastres boursiers ou l’effondrement de l’industrie automobile. Dans cette débâcle,
Hung reprend et tourne en dérision le mythe du self made man, qui oserait encore penser, aujourd'hui, que la taille du paquet justifie qu'il bande mou.