
empilement de colliers en perles, et c'est "Like a Virgin" qui reprend vie ; une perruque aux boucles permanentées et une robe de satin rose : la "Material Girl" est déterrée. Et Madonna de leur hurler dans les oreilles : "She's not me !" Déchaînée, la chanteuse martyrise ces fantômes du passé : les perruques sont arrachées, les tenues des danseuses jetées dans la fosse. Déchausser, déganter, maltraiter. Faire table rase, détruire les spectres qui hantent… prendre conscience du temps qui passe. Dans une danse quasi tribale aux frontières de la crise de démence, Madonna, frappant du poing le sol et se roulant sur scène, se débarrasse sauvagement de tous les apparats du Sticky and Sweet Tour - veste, lunettes en forme de coeur et petit short de sport rouge. Elle recrée la page blanche. Derrière sa futilité apparente et les acrobaties semi-pathétiques de la quinquagénaire, le concert met en scène une fuite en avant pour (re)trouver, dans une nouvelle perruque ou dans un nouveau maquillage, un substrat d'être, une trace de cette identité si longtemps recherchée.
scande à chaque apparition est-il l'activation du fantasme de devenir soi-même ou celui de devenir un autre ? Suffit-il de changer de perruque pour changer d'être ? N'y a-t-il pas un paradoxe à chanter "I was born this way" ("Je suis née comme ça") tout en ne cessant de muter et de se réinventer ? "On ne naît pas une seule fois, et à force de renaître, on se trouve", rétorque la chanteuse.
occidentalisé, le physique de ces deux chanteuses métisses semble paradoxalement ouvrir le champ à une réconciliation avec leur identité afro-américaine : l'apparence de femme noire de Beyoncé s'estompe au moment même où ses prises de positions contre le racisme s'affirment. Beyoncé sent-elle sa parole davantage prise en compte, mieux entendue par l’Amérique blanche quand elle en revêt les signes physiques ? Même chose pour Rihanna qui s'enhardit, depuis quelques semaines, à porter des perruques, certes rouge sang, mais de plus en plus frisées, l'artifice marquant paradoxalement le retour au naturel.
reins ; mercredi, des mèches roses ; jeudi, des pointes jaune or ; vendredi matin, une coiffure Marie-Antoinette ; vendredi soir, une coupe courte couleur cyan... Alors que les métamorphoses de Madonna respectaient un certain rythme naturel - celui de la vitesse de pousse des cheveux ! -, Lady Gaga affole les compteurs.
Lady Gaga. Une exception pourtant : Britney Spears. Humaine, trop humaine pour supporter cette accélération de l'Histoire vers les frontières de l'espèce. Les médias n'ont eu de cesse de proposer une lecture de sa santé mentale à travers ses cheveux : colorations ou coupes manquées, mal coiffée, cheveux gras, cheveux plats, la psychologie de la star s'étalait, mèche après mèche, dans les journaux. Incapable de suivre l'élan initié par ses pairs, elle n'a pas pu se réinventer et se désincarner suffisamment pour rester conquérante, perdant ses repères et son identité. Jusqu'à, sur un coup de folie, rentrer dans un salon de coiffure, attraper une tondeuse, et se raser le crâne dans un seul souffle, pour briser son image. Avant, quelques jours plus tard, de devoir porter des perruques imitant ses cheveux naturels. Le superflu avait cédé la place au nécessaire
