L`Intermède
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EN JUILLET 2012 se concluait la série Bref, avec une émission spéciale du Grand Journal de Canal+ consacrée à la diffusion des deux derniers épisodes. Une interruption soudaine après une seule longue saison, quand la série, écrite et réalisée par Kyan Khojandi et Bruno Muschio, était au sommet de sa gloire. Succès public et critique, Bref a été un véritable phénomène télévisuel. 

Par Sara de Balsi

LE SUCCES DE BREF repose, d’abord, sur son format, caractérisé justement par sa brièveté. Il s’agit d’une shortcom - type de sitcom structurée en épisodes très courts allant d’une à sept minutes - ceux de Bref duraient en moyenne deux minutes - dont la télévision française s'est faite une spécialité. Plusieurs shortcom ont connu le succès depuis les années 1990, comme Un gars une fille ou Caméra café, bien avant la propagation des réseaux sociaux. La sortie de Bref a, elle, coïncidé parfaitement avec l’essor du "partage" social des produits télévisuels, et la série a amplement profité de cette vague. Mais le succès de la série ne peut se réduire à cette coïncidence entre format court et mode de diffusion rapide via internet. bref, série, télé, télévision, canal+, canal plus, Kyan Khojandi, Bruno Muschio, succès, grand journal, shortcom, comédie, comique, un gars une fille, bérangère krief, saison, épisode, Car c'est bien l'écriture de la série qui l'a imposée. À commencer par la construction des personnages : le héros, ce "je" sans nom interprété par Khojandi lui-même, trentenaire banal et médiocre  -"Bref. Je suis comme tout le monde", dit le titre de l’épisode 11.


Mise en scène de soi

BREF PUISE SA FORCE dans des traits distinctifs directement importés du web. La narration à la première personne en voix off n'est pas une innovation en soi, mais elle fait ici écho à des pratiques courantes dans les nouveaux médias depuis une dizaine d'années : avec l'explosion de youtube, des réseaux sociaux, mais aussi de la télé-réalité, la mise en scène de soi, dans un quotidien plus ou moins fictionnalisé, et la publication de l'intime et du banal aux yeux de tous sont devenus monnaie courante. La dialectique entre le commun et l'extraordinaire devient fondamentale dans un univers saturé où chacun cherche à se reconnaître dans l'autre mais aussi à être reconnu pour sa spécificité. Les vidéos humoristiques de plusieurs webstars françaises telles que Norman, Cyprien ou Jérôme, qui a d'ailleurs repris récemment la plage horaire de Bref sur Canal +, jouent de ces éléments devenus des motifs de l'imaginaire contemporain.

À LA FOIS MIROIR ET SATIRE de ces pratiques égocentrées, ces fictions, et Bref en particulier, usent de leur support et de leur narration comme une formule dont l'humour vient aussi de la répétition. A ce titre, le montage très rapide et l'usage de la musique qui sont similaires dans chacun des épisodes de la série invitent chaque fois à une relecture d'un stéréotype énoncé dans le titre. Par accumulation d'évidences du quotidien, l'épisode revisite une phrase dans laquelle chacun peut se reconnaître et en fait ressortir précisément la banalité. Répétée à la fin, elle n'est désormais plus seulement une affirmation inscrite dans le présent du personnage mais bien un condensé de tout ce qui fait que chacun pourra se reconnaître dans bref, série, télé, télévision, canal+, canal plus, Kyan Khojandi, Bruno Muschio, succès, grand journal, shortcom, comédie, comique, un gars une fille, bérangère krief, saison, épisode, cette même affirmation. L'image revisite le texte tout comme le texte invite à voir différemment l'image. Et c'est bien sur ce concept répétable à l'infini que le personnage-narrateur explore ainsi la vie de tous les jours.


Evolution de la série

AU FIL DES ÉPISODES, qui se limitent au début de la série à décrire sur un ton humoristique le quotidien du protagoniste, l’intrigue émerge peu à peu. Une histoire se dessine, fondée sur trois nœuds principaux : l’amour avec "cette fille", qui deviendra sa copine (leur rencontre advient dans le premier épisode) ; les vicissitudes de sa famille - ses parents se séparent, son frère rompt avec sa copine et découvre son homosexualité -, ou encore la recherche d’un travail satisfaisant. Dans la deuxième partie de la saison
 (épisodes 41-82), l’intrigue devient plus consistante et se configure comme un triangle amoureux très classique entre le protagoniste, "cette fille" devenue désormais sa copine, et Marla, son ancien "plan-cul régulier" (épisode 10 de la première saison). La fin elle-même se pose en point d’arrivée de toutes les intrigues : dans une composition circulaire, le personnage principal perd les deux femmes de sa vie et, après une période de dépression, reprend sa vie telle qu’elle était au début. Une vraie fin, donc, mais qui laisse ouverte toute possibilité de nouvelle intrigue à venir.

AUCUNE NOUVELLE, POURTANT, de la saison 2 tant espérée ; après une longue tournée de promotion des deux DVD et du livre de Bref, l’équipe de Khojandi se tait sur les réseaux sociaux depuis mars dernier, et ne confirme pas les rumeurs sur un éventuel film tiré de la série. Long métrage, d'ailleurs, dont la sortie ne ferait que confirmer l’épuisement du format shortcom ; une autre série à grand succès, Kaamelott d’Alexandre Astier (diffusée par M6 entre 2005 et 2009), est passée à un format plus long, d’environ 45 minutes, à partir de sa cinquième saison, et elle va déboucher par une trilogie de films. Bref va-t-il subir les mêmes transformations ? Si oui, la série perdra définitivement ce contact avec le public, allant jusqu’à l’interaction – entre autre, à travers les tchat que l’équipe concédait aux fans pendant la diffusion de la série – qui en faisait un produit hybride entre la télévision et le web, pour "retourner" aux médias classiques, la télévision ou le cinéma.
 
L'HÉRITAGE DU FORMAT SHORTCOM, quant à lui, semble passer définitivement à internet, et précisément aux webstars, les jeunes acteurs qui réalisent des vidéos humoristiques, souvent chez eux et avec très peu de moyens. À la façon de Kyan Khojandi lui-même, qui s’était fait remarquer en 2010 avec bref, série, télé, télévision, canal+, canal plus, Kyan Khojandi, Bruno Muschio, succès, grand journal, shortcom, comédie, comique, un gars une fille, bérangère krief, saison, épisode, une série de vidéos dans lesquelles il commentait l’actualité cinématographique, intitulé Le festival de Kyan. Une trentaine d’épisodes hilarants, de moins de deux minutes chacun, avec Khojandi en grande forme. Bref : de vraies perles.

S. de B.
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à Paris, le 15 décembre 2013

Bref, une shortcom comique française réalisée par Kyan Khojandi et Bruno Muschio
Diffusée sur Canal+ du 29 août 2011 au 12 juillet 2012.
Avec Kyan Khojandi, Mikaël Alhawi, Alice David, Bérangère Krief...
82 épisodes



CET ARTICLE FAIT PARTIE DU DOSSIER POUR FAIRE COURT

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