
des collectifs spécialisés dans la production de ce genre de carnets, dont la facture demeure aussi peu conventionnelle que les propos qu’elle sert. Du pamphlet aux proses rythmées, leur écriture adopte des codes démodés pour tenter justement d’en réhabiliter le potentiel ; les auteurs qui privilégient cette démarche sont pour la plupart jeunes, engagés et désireux d’emprunter un circuit de diffusion autre que celui imposé par l’industrie culturelle dominante.
–
RIEN D'ÉTONNANT À CE QUE L'ON SOIT AMENÉS à suivre sa silhouette dans les rues d’un Montréal populaire et méconnu : là où Delilah veut se perdre, il n’y a pas de gratte-ciels, de centres commerciaux, de parcs et de fontaines, mais seulement les vitrines délavées des convenient stores et un vieux cinéma porno, gratuit pour les couples le samedi soir et dont l’obscurité de la salle protège autant qu’elle efface. C’est dans les derniers rangs que Delilah s’assoit lorsqu’elle cherche à vivre par procuration ; c’est là qu’elle observe ce qu’elle craint, blottie dans un manteau de fourrure comme une bête dans sa tanière. Certes, en lisant nous aurions envie de l’aider, de lui chuchoter qu’elle n’est pas seule, que nous sommes nous aussi, le temps d’une strophe, assis devant l’écran ; d’ailleurs, nous y sommes, et tant pis si notre voix n’arrive pas jusqu’à elle.


