
DANS PLUSIEURS DE SES TEXTES, Walser est revenu sur le choix de la forme courte, qui semble provenir d'une certaine gêne face au narratif. Dans une pièce au titre révélateur, "Lettre à un acquéreur de nouvelles", l'énonciateur explique à ce destinataire supposé qui lui a fait commande de "nouvelles palpitantes" qu'il n'est pas la personne qu'il lui faut (in Nouvelles du jour, Proses brèves II). Plus longue que la pièce en prose (Prosastück, en allemand) la nouvelle – la "sœur du drame", selon le mot de l'écrivain allemand Theodor Storm – est extrêmement structurée. A la manière du drame, elle repose sur une tension entre une complication et sa résolution et suit une intrigue la plupart du temps linéaire qui peut mener, comme le drame, à la catastrophe. Ce sont tous ces aspects à la fois que refuse l'énonciateur walsérien, par exemple dans "Mes efforts", où il se dit "irrité" par la forme longue en tant que construction de grande envergure : "Si j'ai passé de la rédaction de romans aux petites proses, c'est que les vastes constructions épiques commençaient comme qui dirait à m'irriter" (in Nouvelles du jour, Proses brèves II).
TOUT SE PASSE DANS CES TEXTES comme si la forme courte de la petite prose, comme close sur elle-même, permettait, bien mieux que la narration, de décrire l'état de sérénité constante qui caractérise ces petites villes. L'intuition d'une corrélation entre l'absence de développement narratif et une certaine tranquillité heureuse est d'ailleurs tout à fait explicite dans un autre texte de Walser, lui-même pourtant éminemment narratif. Alors qu'un personnage longtemps malheureux trouve enfin une femme qui semble lui convenir, le récit s'achève sur ces mots : "Le lecteur doit-il en savoir davantage? Avec la certitude que César était pourvu, l'auteur achève son exposé, suffisamment développé à son gré. Le reste est contentement. On sait que les gens heureux n'ont pas d'histoire."("César", in Nouvelles du jour, p. 144)
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