
moins réservée comme la peinture l'est parfois." Perché sur des escabeaux et armé d'une hache, d'une scie ou d'un pinceau, Baselitz démystifie la matière qu'il tranche à vif, pour mieux en faire émerger la vie. L'alchimie visible entre les pigments de couleur, les coups de hache, les sillons tracés par la scie et le matériau produit cette impression de vie. La forme qui émerge du hêtre, du tilleul ou du cèdre n'est que grossièrement dessinée, mais elle se donne dans toute sa force, sa masse et sa vérité nue. Le matériau est ainsi toujours soigneusement sélectionné, pour sa couleur, sa chair, et les possibilités esthétiques qu'il réserve à la main du sculpteur. L'arbre, le bois : c'est la vie, la nature. Mais le matériau est perturbé, détourné dans ses formes et ses volumes. Démembré, aussi. Les Têtes et torses rouges que Baselitz réalise entre 1993 et 1996 font de cette asymétrie un principe de composition absolu. Des corps amputés se révèlent dans leur douleur, la dislocation devient la norme et la nouvelle harmonie d'un art qui s'affirme ici comme plus assumé, une pratique plus mature.
monumentales des femmes de Dresde (Dresdner Frauen – Die Wendin) sculptées en 1990 sont ainsi marquées, rongées, presque dévorées par les coups de hache que l'artiste y a portés. Évoquant les exactions et massacres commis lors de la destruction de la ville de Dresde en 1945, les six visages exposés sont recouvert d'une nouvelle teinte, le jaune qu'il utilisait déjà dans sa peinture. La lumière dégagée par cette couleur modérée, chaude, choque avec l'impression de douleur qui se dégage des entailles faites dans la chair du bois. L'une d'entre elles sourit même (Dresdner Frauen – Die Lachende), comme le titre de l'œuvre et l'immense cavité creusée par l'artiste le suggèrent.
derrière son dos un crâne, dans la plus pure tradition de la vanité ; un autre garde dans un doggy bag le viatique, repas des morts. Baselitz lui-même se représente de cette façon, dans des autoportraits monumentaux. S'inspirant des Christ aux Outrages, motif récurent de l'art populaire pour évoquer un épisode de la Passion, il représente la douleur d'un martyr exclu de la société des hommes avec ces formes monumentales pourtant très enfantines. Dunklung Nachtung Amung Ding (2009), c'est le titre de l'une d'entre elles, qui résonne comme une comptine d'enfant.


Crédits et légendes (de haut en bas) :
G-Kopf / Tête-G, 1987. Hêtre pourpre et peinture à l’huile, 99 x 65,5 x58,5 cm © Georg Baselitz
Männlicher Torso / Torse masculin, 1993. Tilleul et dispersion, 155 x 77 x 79 cm © Georg Baselitz
Dunklung Nachtung Amung Ding, 2009. Cèdre et peinture à l’huile, 308 x 105 x 122,5 cm © Georg Baselitz
