L`Intermède
lewis baltz, baltz, prototypes, photo, photographie, new topographics, washington, exposition, exhibition, portrait, parcours, biographie, citation, entretien, interview, analyse, critique, nationalSurface sensible
New Industrial Parks (1974) est le cliché qui a valu à Lewis Baltz son entrée dans le mouvement des New Topographics. A l'époque, ces "nouvelles topographies" veulent révolutionner le concept de photographie de paysage. Plutôt que de célébrer la beauté de la nature à l'état vierge, des Robert Adams,
Stephen Shore et autres Nicholas Nixon s'inscrivent dans une esthétique urbaine et industrielle. Ces objets, jusque-là indignes parce que banals, ont rapidement ébranlé l'hégémonie des paysages idéalisés pour déployer leur propre potentiel de fascination, comme le montre la rétrospective que la National Gallery of Art de lewis baltz, baltz, prototypes, photo, photographie, new topographics, washington, exposition, exhibition, portrait, parcours, biographie, citation, entretien, interview, analyse, critique, nationalWashington D.C. consacre actuellement à Lewis Baltz.

Ce que révèlent les instantanés de Baltz, c'est une répétition à l'infini : des bâtiments d'usine insipides collés les uns aux autres dans 2000 Bridgeway (1969), des rangées d'appartements impersonnels qui s'entassent en banlieue dans Embarcadero Center A (1967), ou encore des chaises anodines et fabriquées par milliers, comme pour passer inaperçues, dans Motel Swimming Pool, Central California Coast (1967). A l'ère de la production de masse, ces objets sans personnalité envahissent la vie des Américains et la rendent, insidieusement, commune et transposable d'un endroit à un lewis baltz, baltz, prototypes, photo, photographie, new topographics, washington, exposition, exhibition, portrait, parcours, biographie, citation, entretien, interview, analyse, critique, nationalautre. Bien que les photos soient assorties assez systématiquement d'un titre et de l'indication du lieu où elles ont été prises, elles ne semblent pas avoir d'ancrage géographique. Une impression renforcée par l'absence de figures humaines ; rien ne doit marquer la singularité des clichés. Baltz chasse la spontanéité pour, à rebours, construire une série systématique dont les instantanés sont inséparables les uns des autres. La rigueur, l'immobilité et la luminosité austère caractérisent la série en noir et blanc Prototypes, comme le portrait d'une coquille vide de laquelle les humains auraient été chassés par l'accumulation d'objets manufacturés.

lewis baltz, baltz, prototypes, photo, photographie, new topographics, washington, exposition, exhibition, portrait, parcours, biographie, citation, entretien, interview, analyse, critique, nationalImpénétrable. C'est lorsqu'il est étudiant à l'Institut des Beaux-Arts de San Francisco, dont il est diplômé en 1971, que Baltz s'éprend des petites choses qui l'entourent, des changements insignifiants mais sournois qui façonnent son quotidien. Pour Prototypes, il parcourt sa Californie natale et tente de porter un regard neuf sur ce qu'il a si souvent vu. Ces panneaux publicitaires par exemple, qui depuis quelques temps remplacent les arbres sur le bord des routes ; témoin, le cliché Gilroy Sign (1967) qui dévoile l'envers d'une enseigne Coca Cola, dont la forme de la bouteille en relief crée un jeu d'ombre et de lumière. La standardisation de la démarche artistique, miroir de celle industrielle des Trente glorieuses, ajoute à l'ambiance atemporelle qui se dégage de Prototypes. lewis baltz, baltz, prototypes, photo, photographie, new topographics, washington, exposition, exhibition, portrait, parcours, biographie, citation, entretien, interview, analyse, critique, nationalBaltz ne se cache pas, en l'occurrence, de s'être rapproché des techniques photographiques employées dans le cadre de la promotion commerciale afin de donner un aspect lustré et désaffecté à ses clichés. Rien n'est laissé au hasard, et pourtant rien n'est artificiel. Ces nombreuses voitures, comme celle de South Laguna (1972), par exemple : la lumière ricoche sur les légères courbures des enjoliveurs, elle pleut joyeusement sur les portières, agrippe les irrégularités du mur à l'arrière-plan et se réverbère discrètement sur le sol mat jusqu'à disparaître sous les roues. Une publicité parfaite, un véritable pastiche.

Au-delà du sujet choisi ou de l'ambition d'en lewis baltz, baltz, prototypes, photo, photographie, new topographics, washington, exposition, exhibition, portrait, parcours, biographie, citation, entretien, interview, analyse, critique, nationalextraire une objectivité fascinante, la photographie de Baltz se distingue par sa manière d'aborder ses motifs, c'est-à-dire par l'intention délibérée de conférer à ses clichés une uniformité impénétrable. Le regard butte constamment sur la planitude du cadre, au-delà duquel la prolongation semble impossible, comme la rareté du ciel le signale. Le leitmotiv quasi obsessionnel des murs et des portes contribue à créer ce sentiment d'exclusion : le regard ne pouvant se perdre dans l'objet photographié, il le scrute dans ses moindres détails, découvrant finalement une profondeur horizontale.  East Palo Alto (1972) met ainsi en scène un véritable dialogue des matières entre les traces des coups de lewis baltz, baltz, prototypes, photo, photographie, new topographics, washington, exposition, exhibition, portrait, parcours, biographie, citation, entretien, interview, analyse, critique, nationalspatules sur le mur, les trous sombres qui jonchent ce dernier et les délicates rainures du bois clair qui tapisse l'ouverture rectangulaire au centre du mur.

Minimaliste. Baltz souhaite faire oublier le sujet exposé au profit de l'objet photographique lui-même. La photographie n'est plus une fenêtre sur le monde ni même un miroir de la réalité, mais un monde en soi, une entité autonome. Il prend soin, par exemple, de monter ses tirages sur une épaisseur supplémentaire pour en faire de véritables sculptures murales. De même, il insiste sur la texture de ses clichés par diverses techniques - saturation des tons, sous ou sur-exposition -  augmentant l'attractivité de la surface, au détriment de ce qu'elle révèle. Pour cette raison, le travail de Baltz a aussi été raccroché à l'art minimaliste, ce courant qui s'est fortement développé dans les années 1960 aux Etats-Unis et qui insiste sur l'abstraction et la réduction des formes ainsi que sur la limitation des moyens, selon le fameux slogan "less is more"  de l'architecte Mies Van der Rohe. En photographie, le Minimalisme se traduit par un rejet de l'illusion des trois dimensions, et donc de l'absorption. Les clichés de Baltz sont unidimensionnels, plats et lisses ; paradoxalement, ils n'en sont que plus hypnotiques.
 
Asmara Klein, à Washington
Le 02/07/11

Lewis Baltz : Prototypes / Ronde de Nuit, jusqu'au 31 juillet 2011
National Art Gallery
National Mall, Constitution Av., NW
Washington D.C
Lun- sam : 10h-17h
Dim : 11h-18h
Entrée libre


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