29 septembre 2011
Ce n'est que lorsque l'aile droite de l'avion s'est inclinée que j'ai pu voir pour la première fois la silhouette des buildings découper le ciel ensoleillé. De toutes les images conscientes ou inconscientes, fictives ou réelles, que j'ai pu accumuler depuis plusieurs années sur New York sans y être jamais allé, l'une des plus fortes est sans nul doute cette façon si particulière dont les immeubles de la "Big apple" semblent composer une partition architecturale d'une harmonie absolue. A contre-jour ou dans la nuit, l'ensemble forme comme une ombre dont les pourtours, succession continue de traits verticaux, obliques et horizontaux, semblent avoir été tracés d'un seul geste, d'une seule main.
Après 15 heures de voyage - arrivée à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle à 9 heures, décollage à 11h35, arrivée à Philadelphia à 14 heures (heure locale...!), 3 heures d'attente, re-décollage pour New York, arrivée à 18 heures -, voici donc les premiers frissons du voyage, à la simple vue de ces tours. Les billets d'avion ont été pris quatre mois plus tôt, j'y ai pensé chaque jour depuis, je vise large et haut : 17 jours à New York. Pour une fois, cesser quasiment tout contact avec la vie quotidienne à Paris, mettre des messages automatiques d'absence sur les boîtes mail, ne pas prendre d'engagement professionnel, tout reporter à mon retour. Seule "contrainte", qui n'en est pas vraiment une car dictée par le plaisir : tenir un journal de bord sur L'Intermède, au jour le jour, de mes pérégrinations.
Pas vraiment un blog, pas vraiment non plus des articles comme nous avons l'habitude d'en publier depuis plus de deux ans que le site existe. Non, cette fois-ci, je tente le "journalisme subjectif", forme qui m'était totalement étrangère jusqu'alors et que je prends comme une expérience tout autant qu'un challenge. Je remonte donc l'heure de L'Intermède de 6 heures pour être sur le bon fuseau horaire, et je vous raconte chaque jour ce que je vois à New York, du 29 septembre au 15 octobre. Pas tout, bien sûr : il s'agit bien de parler de culture. Armé de six guides de voyages et d'autant de cartes de la ville, je compte bien quadriller l'ensemble du plan pour tout voir, tout goûter, et tout raconter.
Pourquoi aujourd'hui ? L'occasion a fait le laron. Mais il se trouve aussi que c'est une période particulière : l'Etat de New York a légalisé le mariage pour les couples de même sexe en juin, le monde entier ressassait le 11 septembre 2001 il y a quelques semaines encore, un homme – Troy Davis – a été condamné il y a quelques jours à la peine de mort sans qu'on ait jamais pu prouver qu'il était véritablement coupable, et Barack Obama finit son (premier ?) mandat de Président des Etats-Unis dans un an. De quoi nourrir, encore et toujours, cette dialectique d'attraction-répulsion que peut provoquer ce pays, chez moi comme chez d'autres, et qui le rend à tout le moins fascinant.
Sans parler, bien entendu, de ce que New York évoque dans ma culture personnelle. Frank Capra, Robert Mapplethorpe, Broadway, Woody Allen, Edward Hopper, F.R.I.E.N.D.S, Jonathan Safran Foer, Marry Poppins, Singing in the rain, André Kertész, Gene Kelly, Audrey Hepburn, Tiffany, Alvin Ailey, Martin Scorsese... Les références s'égrènent sans effort, tant New York a nourri mon imaginaire de cinéphile, passionné de photographie, de musique, de séries TV, de comédies musicales et de danse. Ce sera d'ailleurs le fil conducteur de ce journal de bord : dresser une cartographie subjective de la ville, en établissant des correspondances entre des lieux et des références culturelles qui ont marqué mon parcours. Et, surtout, profiter de l'occasion pour laisser carte blanche à des dessinateurs et graphistes afin d'illustrer ce journal de bord – Guillaume Jamet, à qui l'on doit l'habillage du site et la vignette sur la page d'accueil, ouvre le bal avec brio.
9 jours dans un hôtel à Time Square avec mon ami Philip, 8 jours chez Moze et Chloé, new-yorkais 365 jours par an, pour un "ménage à trois" (selon leur propre formule) : je m'autoriserai aussi, de temps en temps, des incursions plus prosaïques sur mon quotidien dans la ville qui ne dort jamais. Une sorte d' « observation participante », dans le jargon des anthropologues, qui allègera ce qui pourrait, sinon, vite se transformer en guide de voyages sans saveur. Et je peux ainsi commencer par vous indiquer que je viens à peine d'ouvrir mes valises, et que depuis le bureau où j'écris ces quelques lignes, j'aperçois les piles de sept livres et dix CD que j'ai emportés - j'aurai l'occasion d'y revenir - une boule à neige sous verre porte-bonheur avec la statue de la liberté, un Wall.E miniature, l'intégrale de Sex & The City, et un cahier moleskine édition New York - eh oui, ça existe, merci à Thomas pour ce cadeau de voyage.
Et la paire de claquettes, que je n'aurais oubliée pour rien au monde. Des fois qu'au moment où le feu passe au vert, les piétons se mettent à chanter et danser en traversant le passage clouté - je pourrai me joindre à eux.