L`Intermède
Dossier spécial
17 jours à New York

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Samedi 1er octobre 2011
L'UNESCO devrait classer les taxis new-yorkais au patrimoine mondial de l'humanité, parce qu'il n'existe pas de plus beau jaune que le leur. 

J'ai été hanté par Taxi Driver de Martin Scorsese (1976) plusieurs semaines après l'avoir vu à la Cinémathèque du quartier latin, à Paris ; j'ai été tout autant traumatisé par Nicolas Cage en ambulancier dépressif qui sillonne les rues de New York la nuit dans Bringing Out The Dead (A tombeau ouvert, 1999). Dès son premier film, Who's That Knocking At My Door (1967, inédit en France jusqu'en 2009), Martin Scorsese a embrassé New York dans toute sa démesure. Et de tout ce que j'ai vu de sa filmographie, les deux films qui m'ont le plus marqué dans le traitement tant visuel que dramatique de la ville sont, à ce jour, New York New York (1977) et The Departed (2006). 

Du premier, je retiens surtout cette interprétation au diapason de "But The World Goes Round" par Liza Minelli, qui laisse s'échapper une voix chargée, gutturale, tonitruante, chuintante dans un studio d'enregistrement où, peu à peu, les lumières s'éteignent pour qu'il n'y ait plus qu'un projecteur qui l'encercle, avant de la faire disparaître tout à fait.

Du second, je garde à l'esprit cette image de Jack Nicholson - que je tiens pour être le plus grand acteur encore vivant - les deux mains recroquevillées près du visage, le nez retroussé et les dents supérieures mangeant la lèvre inférieure, pour imiter un rat. Tout le film file d'ailleurs cette métaphore - "It's a nation of fucking rats", dit l'un des personnages -, jusqu'à l'image finale. Mais, pour mon coeur de cinéphile, la séquence qui sublime The Departed est celle de la poursuite nocturne entre Leonardo DiCaprio et Matt Damon. Une séquence muette où Scorsese joue avec la fumée et les lumières d'une Boston qui, l'espace de quelques minutes, semble s'être métamorphosée en une New York expressionniste. 

En visitant le quartier de Chinatown ce samedi après-midi, j'ai retrouvé cette même explosion de couleurs qui frappe la rétine, dans un dédale de rue où les restaurants le disputent aux épiceries sans que rien ne rappelle que nous en sommes en Amérique du Nord. Le dépaysement est total, et d'autant plus immersif qu'il est frontal : on bascule sur Little Italy ou Lower East Side en un coin de rue. Un sentiment que l'on retrouve partout dans la ville : New York est un puzzle de quartiers juxtaposés les uns à côté des autres, à la fois singuliers et harmonieux entre eux. Ce qui fait qu'après avoir descendu la 7e avenue, succession de boutiques au pied d'immeubles sans grand intérêt, on peut tomber sur le quartier de la HighLine, ancien chemin de fer aujourd'hui transformé en jardin suspendu sur 2,5 kilomètres de long, dont le charme opère d'autant plus qu'il n'est pas obscène mais tout en retenue. Tout le paradoxe d'une ville qui paraît insubmersible, avec ses gratte-ciels qui semblent avoir poussé de terre, mais dont la beauté s'avère si frêle, si éphémère, si imprévisible.