Dossier spécial
17 jours à New York
Dimanche 2 octobre 2011
Quand les premières notes ont résonné, j'ai senti les frissons courir mon échine. J'ai déjà vu des comédies musicales sur scène auparavant, mais aucune à Broadway. Et ça change tout.
Il se trouve que l'ouverture de Mary Poppins se fait justement sur ma chanson préférée du film : "Chim chim Cheree", mélange subtil de joie et de tristesse grâce au refrain tout en demi-tons, comme un nuancier doux-amer ; et le charme de Dick Van Dyke, dans le long métrage de Robert Stevenson, n'est pas pour rien dans mon affection pour ce morceau. J'ai donc basculé la tête la première dans ce musical qui a marqué mon enfance, avec Julie Andrews dans le rôle-titre, à laquelle succède sur la scène new-yorkaise Laura Michelle Kelly. Grâce au stand de "Tkts" sur Times Square, Philip et moi avions obtenu des billets moitié prix en faisant la queue dans l'après-midi... et étions au troisième rang. Tout était réuni pour une immersion totale dans la maison du 17 Cherry Tree Lane, à Londres, où la célèbre Nanny débarque pour s'occuper des turbulents enfants Banks.
Nous avions déjà eu l'occasion de parler de la mise en scène au New Amsterdam Theater sur L'Intermède, de façon assez critique. Peut-être est-ce la nostalgie d'une histoire que j'ai connue par coeur, le fait que ce soit ma première comédie musicale à Broadway ou que nous soyons aux premières loges... Mais l'enchantement naïf a joué à plein ce soir, malgré le caractère surrané de l'entreprise - le mythe de Mary Poppins doit aussi son charme à son histoire et à sa morale quelque peu désuètes. Trucages à la Méliès, jeu virtuose sur la scénographie pour naviguer d'un décor à l'autre, distribution au cordeau et partition enlevée : une première leçon de show "à l'américaine", où tout est millimétré.
Le même genre de spectacle auquel j'avais droit quelques heures plus tôt, dans la First Corinthian Baptist Church de Harlem, au Nord de Central Park, pour une messe en gospel. Une première, aussi. Dans un ancien théâtre aux allures de palais vénitien reconverti en église, une chorale et quelques solistes à tour de rôle font vibrer une assemblée en transe chaque dimanche matin. L'effet et le décalage avec les cérémonies auxquelles j'ai pu assister en France est saisissant. Ici, deux écrans géants sur les côtés dévoilent un montage en direct de ce qu'il se passe sur scène et dans l'assemblée, voire passent un message quand une voiture est mal garée devant l'établissement. On n'hésite pas à faire des blagues entre deux chansons, ou à afficher en grand le logo de l'Eglise, "FCBC", comme une marque. Un véritable staff s'occupe de placer les gens et de leur apporter un éventail s'ils en ont besoin.
Mais cet apparat exotique est balayé par l'engagement des chanteurs sur scène et du public. La dynamique entre la chorale et les croyants venus en nombre - l'assistance s'est remplie peu à peu au fil de la cérémonie - est foncièrement interactive. Le public est sollicité en permanence ; aucune lecture de la Bible, aucun sermon : ce sont des chansons prônant l'amour et la présence de Dieu qui constituent l'essentiel de ce temps de partage et de joie collective. Mais quand je vois l'investissement émotionnel de certains, j'ai le sentiment que c'est paradoxalement la souffrance de leur vie quotidienne qui se dessine en creux.
De quoi éveiller la sensibilité à chaque chose pour le reste de la journée, que ce soit au cours d'une marche au soleil dans le nord de Central Park, d'une visite de la superbe New York Public Library, devant la Polish Parade annuelle et son cortège de militants anti-avortement et anti-euthanasie, ou au moment du dîner dans un restaurant mexicain dans le quartier de Hell's Kitchen, rendu célèbre grâce à West Side Story. Le soir venu, au 26e étage de l'hôtel, les écrans géants de Times Square se réverbèrent toujours sur les murs de notre chambre quand nous y entrons. Après trois jours de vagabondage dans Manhattan, il est temps de faire découvrir Sex & The City à Philip.
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Images : Pauline Prideaux